L’esprit de Nemo

Poster un commentaire

juillet 30, 2014 par Connaissez-vous les Glodusiens ?

Galaxies revue

Venez découvrir l’une de mes nouvelles publiées dans le trentième numéro de la revue de science-fiction Galaxies. Le thème, Nemo.

L’esprit de Nemo

par Guille J. Potch

« La mer n’appartient pas aux despotes. À sa surface, ils peuvent encore exercer des droits iniques, s’y battre, s’y dévorer, y transporter toutes les horreurs terrestres. Mais à trente pieds au-dessous de son niveau, leur pouvoir cesse, leur influence s’éteint, leur puissance disparaît ! Ah ! Monsieur, vivez, vivez au sein des mers ! Là seulement est l’indépendance ! Là je ne reconnais pas de maîtres ! Là je suis libre ! »*

Capitaine Nemo
En 1970

    « La tempête qui eut lieu deux jours auparavant a profondément affecté notre convoi. Trois navires ont coulé durant cette furie des mers. Un autre steamer n’a pu tenir bien longtemps. Seul notre navire, le steamer Louis XV, a tenu bon. Je ne sais pas par quel miracle mon équipage et moi-même sommes toujours en vie. Par quelle bonté l’océan Atlantique nous a-t-il épargné sa colère ? Peut-être cherche-t-il un témoin pour retransmettre les horreurs de cette terrible nuit ?

    L’orage nous a surpris très précisément à 42° 15’ de latitude nord, et 60° 35’ de longitude à l’ouest du méridien de Greenwich. Ces coordonnées doivent être communiquées avec la plus grande importance. Je ne souhaite à aucun marin, à aucun navire de naviguer un jour sur ces eaux.

    Le steamer Perlor fut le premier navire à sombrer sous l’océan. Sa coque de métal n’avait pu résister à des vagues déchaînées aussi solides que le diamant. Je n’aurais jamais pensé qu’une machine à vapeur pouvait endurer autant de souffrances, comme si l’Atlantique avait sorti ses dents pour le dévorer. Un trou de 20 pieds anglais (6 mètres) de large dans une carcasse d’acier. En haute mer, sans aucun récif, sans aucun haut fond. Je ne mens pas. Je l’ai vu couler. Je n’ose imaginer quels supplices ont subis les autres navires. Mais je tiens à vous avertir. Cette Grande Bleue cache des secrets qu’il nous faut mieux ignorer. »

Livre de bord du capitaine du steamer Louis XV
Dans un monde agité

    « Monsieur Land, vous êtes venu ici, dans mon bureau, pour me faire part de votre désaccord sur la gestion de mes activités. Je vais vous faire part du mien. Nous ne sommes pas ici au fin fond de votre forêt canadienne, au milieu des chênes, des pins, des cerfs et des écureuils.

    Ici, nous sommes à Saint-Nazaire. Plus de mille navires y mouillent chaque semaine avant de parcourir le monde. Des milliers de tonnes de marchandises circulent sur ce port chaque jour. Des compagnies du monde entier viennent ici approvisionner le continent.

    Et que me demandez-vous ? Que vous et vos camarades puissiez avoir un autre jour de repos que le dimanche. Monsieur Land, je vous ai connu plus solide homme, plus robuste harponneur, même s’il est vrai que je vous ai toujours connu râleur.

    Je vais être franc avec vous, car je vous aime bien, et vous dire la vérité. Je ne peux pas. Je ne peux pas, non par méchanceté ou par volonté, mais par obligation et par intérêt.

    Des compagnies du monde entier s’affrontent, se battent et se font une concurrence féroce. Nous sommes en guerre, Ned Land. Non pas une guerre des Nations mais une guerre économique, une guerre entre compagnies maritimes, et une guerre fait toujours des victimes.

    La dernière en date est ce convoi au large de l’océan Atlantique. Il transportait de riches dorures, de précieux ornements et de douces fourrures. Il fut broyé par l’océan. La perte de toutes ces marchandises fut fatale pour la compagnie Braillard et très difficile à surmonter pour sa partenaire commerciale BugEtCol.

    Vous voyez, monsieur Land. Un moment d’inadvertance et tout peut basculer du jour au lendemain. Notre activité est bien trop modeste pour se risquer à quelque loisir que ce soit. Nous devons nous serrer la ceinture et faire face à la concurrence.

    Et je compte sur vous, Ned Land. L’océan est bien trop capricieux. Faites en sorte que nous n’en soyons pas les prochaines victimes. »

Contremaitre de Ned Land
Une énigme

    « Merci Monsieur Pierre Aronnax, votre exposé sur les mollusques acéphales a été très intéressant. Je souhaiterais si vous le voulez bien vous poser une question indiscrète. Qui n’a pas forcément lien avec votre activité. Une question que tout le monde se pose, pourtant, et qui est sur toutes les lèvres. Tout le monde connait l’expérience que vous avez vécue sur ce que vous nommez le Nautilus. Un navire qui s’est immergé dans les profondeurs des mers, à en croire vos histoires.

    Vous connaissez donc le fond des océans mieux que quiconque ici. Permettez-moi alors d’éveiller ma curiosité.

    La disparition de la quasi-totalité du convoi de la Compagnie Braillard a beaucoup marqué les esprits. Certaines rumeurs circulent à propos d’une mutinerie de marins financée par la concurrence. Mais aucune preuve n’a été trouvée à ce jour. De plus, seuls trois marins des quatre navires coulés ont survécu.

    D’autres histoires font allusion à une vengeance de l’océan. Nous pourrions rire de ces fables. Calypso, déesse des océans, aurait puni cette compagnie inique qui utilisait les mers pour se débarrasser de tout droit humain.

    Mais vous Monsieur Aronnax, vous. Vous avez vécu à côté de l’un de ces mythes. Vous avez soupé avec lui, voyagé dans son vaisseau et partagé ses secrets. Pensez-vous que cette disparition est la marque de ce capitaine, le capitaine Nemo ?

    — Les rumeurs les plus folles courent sur la disparition de ce convoi, en effet. J’ai été durant près d’un an son hôte mais également son prisonnier. Il me fit découvrir les merveilles de la mer, mais ne me dévoila qu’une partie infime de ses secrets.

    Lorsque j’entends son nom et toutes les histoires que l’on raconte sur lui, mon coeur palpite tout comme le vôtre. Son spectre serait-il réapparu des fonds des mers ? Mais je suis un homme de science. Je ne peux oublier ce jour où l’océan se chargea de nous séparer au large des côtes norvégiennes. Le Maelstrom, messieurs ! Le Maelstrom ! Comment pourrais-je négliger ce fait ? Comment pouvez-vous ignorer la puissance de ce gouffre effroyable surnommé le nombril du monde ? Une force d’attraction s’étendant à plusieurs dizaines de kilomètres. Une spirale infernale qui dévore tout. Ours polaires, baleines, navires. Je me souviendrai toujours des bruissements de la tôle d’acier qui pliait sous la pression de ce tourbillon de la mort. Ce gouffre avala le Nautilus. J’y étais. La violence fut telle que même ma conscience me lâcha ce jour-là.

    Messieurs, je vous le demande. Faites appel aux plus brillants des navigateurs, si vous le voulez. Mais répondez à cette question. Connaissez-vous une seule embarcation, un seul navire de bois ou d’acier qui put sortir indemne du Maelstrom ?

    — Monsieur Aronnax, je ne voudrais pas insister davantage. Mais… Vous avez bien survécu ? »

Discussion entre Pierre Aronnax, ancien prisonnier du capitaine Nemo et un journaliste
Un mystère resurgit

    « Il était huit heures trente-cinq du soir précisément. Nous nous trouvions par 27° 30’ de latitude et 72° 15’ de longitude. La journée du 23 juillet 1970 venait de prendre fin sur une mer calme et un ciel dégagé. Parmi les personnalités importantes qui se trouvaient à bord, je pourrais signaler la présence de Lord Enirth et du duc de Murton. Je ne pourrais citer toutes les personnalités présentes, mais à en croire les malles remplies d’or, à bord du SS Roshi, il me sembla que leur réunion était d’une importance capitale pour le futur de nos nations et, tenu par le secret, je ne pourrais en dire plus.

    Je rentrai donc dans ma cabine lorsque je sentis un étrange souffle. Une petite brise qui ne me fut pas désagréable tant la chaleur avait été suffocante durant la journée. Elle me berça pendant mon court repos avant que des cris effrayants viennent agresser mes tympans. J’eus à peine le temps d’ouvrir un oeil que tout mon corps et mes affaires furent propulsés à terre. Tout alla très vite. Trop vite. Le navire avait heurté une chose que je ne pus décrire. De l’eau s’infiltra dans la cabine. Je me relevai. Une nouvelle collision me fit rouler jusqu’à l’échelle d’appontement. Je m’y accrochai. Un réflexe qui me sauva sans doute la vie, car la troisième secousse fut la plus terrible. Le navire se dressa. La coque se déchira en deux comme du papier. L’océan s’ouvrit sous mes yeux. Je somnolais encore, je me trouvais dans un état second. Les eaux étaient comme illuminées. Je me sentis comme espionné par les fonds marins. La brise avait cessé, mes camarades se turent un à un. Mon dernier regard se fixa sur l’océan qui me dévora aussitôt avant de me recracher. »

Histoire d’un matelot du SS Roshi
Nourris de craintes

   « Bonjour et merci d’avoir répondu à notre invitation. Je tiens à remercier en personne les ministres des Affaires étrangères du royaume d’Angleterre, des Pays-Bas et des États-Unis d’Amérique, et les représentants de trente-deux pays d’avoir fait personnellement le déplacement.

     Je ne vous cache pas ma préoccupation.

   Le naufrage du SS Roshi a jeté un froid dans les relations entre nos différentes nations. Les histoires qui tournent autour de sa disparition ne facilitent pas les réconciliations. Corruption, chantages, trafics d’influence, trafics d’humains.

   Je tiens à préciser encore une fois que le gouvernement français n’est en rien responsable de la destruction de ce navire. Les accusions infondées et les allusions de corruption faites sur l’un de nos ministres présents à bord du SS seront sévèrement sanctionnées conformément à la loi.

    Nous avons d’ailleurs discuté longtemps avec nos Alliés, et les autorités compétentes ont attentivement écouté les nombreux témoignages des survivants de ce naufrage. Nous avons aujourd’hui l’intime conviction qu’un fantôme est réapparu des mers. Tout nous laisse à croire que l’ombre du Nautilus arpente de nouveau les océans.

    Nous ne pouvons accepter qu’un pseudo-justicier, ce Nemo, nous entraine dans une nouvelle guerre des Nations. Je vous convie donc une nouvelle fois à participer à une expédition afin de retrouver ce cétacé métallique et son capitaine.

   Je souhaiterais conclure, si vous le voulez bien, par la lecture d’un extrait des paroles, consigné dans les écrits de Monsieur Aronnax, que Nemo infligea à son prisonnier.

   “Je ne suis pas ce que vous appelez un homme civilisé. J’ai rompu avec la société tout entière pour des raisons que moi seul j’ai le droit d’apprécier. Je n’obéis point à ces règles, et je vous engage à ne jamais les invoquer devant moi.”*

    Ce sont ses propres mots. »

Premier ministre français
Ravivant l’espoir

   « Monsieur, est-il certain de sa décision ? Cette expédition ne sera en rien une aventure paisible. Le monde entier commence à se battre à propos de ce Nautilus. Entre les sombres insinuations de monsieur le ministre et les railleries de ses détracteurs, le monde se divise. Mon intuition flamande me trompe rarement. Toutes ces rumeurs, ces chansons, ces procès-verbaux et ces débats ont mené bien loin l’intérêt des Nations à la chose. Même maître Land, dont la détestation du capitaine Nemo n’est plus à prouver, est avec nous sur ce navire et souhaite aujourd’hui le revoir.

    Nous ne chassons plus ici un homme mais une légende vivante.

    — Sans doute, mon serviable ami Conseil. Nous ne sommes pas les seuls lancés à sa recherche, souhaitant connaître ses secrets et craignant ses colères. L’idée de le retrouver me séduit tout autant qu’elle me fait peur. Il me tiendra peut-être rigueur de cette expédition. Il m’a après tout détenu pour éviter qu’un jour je dévoile son existence.

    Mais que veux-tu, les mystères de la mer m’ont toujours fasciné. Je ne peux oublier ce capitaine. Son regard, d’une froide assurance, calme et ferme, m’a pénétré jusqu’à l’âme et m’a reflété de hautes pensées. J’ai senti en lui un homme franc et courageux, un homme sensible par moments, qui usa de toutes ses qualités de grand homme, non pour le pouvoir, l’argent ou la gloire, mais pour rester un homme libre.

    C’est peut-être cela que je suis venu chercher, ce symbole qui a traversé toutes les mers et aujourd’hui même les continents. »

Discussion entre Conseil et Pierre Aronnax
FIN

* : Extraits de « Vingt mille lieues sous les mers », Jules Verne

Laisser un commentaire

Guille

Connaissez-vous les Glodusiens ?

Connaissez-vous les Glodusiens ?

Des recherches archéologiques ont mené à la découverte d’ossements et de vestiges qui pourraient appartenir à un peuple très ancien. Certains experts se seraient risqués à comprendre cette culture ancestrale et leurs croyances multimillénaires.

Afficher le Profil Complet →